Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/181

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Palaiseau. Ces fleurs sont adorablement fraîches, elles embaument, elles sont jolies comme tout. — Ah ! partir, partir tout de suite pour les pays du soleil. Mais je n’ai pas d’argent et, d’ailleurs, je n’ai pas le temps. Mon mal m’a retardée et ajournée. Restons. Ne suis-je pas bien ? Si je ne peux pas aller à Paris le mois prochain, ne viendras-tu pas me voir ici ? Mais oui, c’est huit heures de route. Tu ne peux pas ne pas voir ce vieux nid. Tu m’y dois huit jours, ou je croirai que j’aime un gros ingrat qui ne me le rend pas.

Pauvre Sainte-Beuve ! Plus malheureux que nous, lui qui n’a pas eu de gros chagrins et qui n’a plus de soucis matériels. Le voilà qui pleure ce qu’il y a de moins regrettable et de moins sérieux dans la vie, entendue comme il l’entendait ! Et puis très altier, lui qui a été janséniste, son cœur s’est refroidi de ce côté-là. L’intelligence s’est peut-être développée, mais elle ne suffit pas à nous faire vivre, et elle ne nous apprend pas à mourir. Barbès, qui depuis si longtemps attend à chaque minute qu’une syncope l’emporte, est doux et souriant. Il ne lui semble pas, et il ne semble pas non plus à ses amis, que la mort le séparera de nous. Celui qui s’en va tout à fait, c’est celui qui croit finir et ne tend la main à personne pour qu’on le suive ou le rejoigne.

Et bonsoir, cher ami de mon cœur. On sonne la représentation. Maurice nous régale ce soir des marionnettes. C’est très amusant, et le théâtre est si joli ! un vrai bijou d’artiste. Que n’es-tu là ! C’est