Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

double entrée, et que vous ne frappez qu’à une seule. Sur ce, continuez à frapper ; cela ne peut faire que du bien ; car le seul mal, ce sont les portes qui ne s’ouvrent pas. Je vous embrasse avec amitié.

Et je dis à Pauline :

Fille chérie, vous me tentez bien ; mais, hélas ! vous ne savez pas comme je suis vieille depuis six mois. J’avais arrangé ma vie pour avoir un peu de liberté, et j’en aurais si je me portais bien. Mais me voilà à chaque instant faible et bonne à rien. Le printemps me ranime, et tout à coup m’écrase. Vais-je reprendre mon activité et la jeunesse de soixante-trois ans que je croyais revenue l’année dernière ? C’est ambitieux, et, s’il faut me résigner à mon vrai âge, c’est comme Dieu voudra. Que Louis me pardonne cette hypothèse ; moi, j’en ai l’habitude, et je n’accuse pas Dieu quand je suis malade ; mais je lui demande tout de même de me donner la force d’aller vous voir, ma chère fille, avant de prendre des béquilles. Nous verrons ce qu’il décidera, ce vieux bon Dieu. Quand il fera chaud, bien chaud, peut-être que je serai vaillante encore une fois.

Je vous embrasse maternellement, comme toujours.