Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/275

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voit que le côté tendre ; il prend le cœur. Il faut songer au mal qu’il a fait pour s’en débarrasser. Mais je ne m’étonne pas qu’un cœur généreux comme celui de Louis Blanc ait rêvé de le voir épuré et ramené à son idéal. J’ai eu aussi cette illusion ; mais, aussitôt qu’on fait un pas dans le passé, on voit que ça ne peut pas se ranimer, et je suis bien sûre qu’à cette heure Louis Blanc sourit de son rêve. Il faut penser à cela aussi !

Il faut se dire que tous ceux qui avaient une intelligence ont terriblement marché depuis vingt ans et qu’il ne serait pas généreux de leur reprocher ce qu’ils se reprochent probablement à eux-mêmes.

Quant à Proudhon, je ne l’ai jamais cru de bonne foi. C’est un rhéteur de génie, à ce qu’on dit. Moi, je ne le comprends pas : c’est un spécimen d’antithèse perpétuelle, sans solution. Il me fait l’effet d’un de ces sophistes dont se moquait le vieux Socrate.

Je me fie à toi pour le sentiment du généreux. Avec un mot de plus ou de moins, on peut donner le coup de fouet sans blessure quand la main est douce dans la force. Tu es si bon, que tu ne peux pas être méchant.

Irai-je à Croisset cet automne ? Je commence à craindre que non et que Cadio ne soit en répétition. Enfin je tâcherai de m’échapper de Paris, ne fût-ce qu’un jour.

Mes enfants t’envoient des amitiés. Ah diable ! il y a eu une jolie prise de bec pour Salammbô ; quelqu’un que tu ne connais pas se permettait de ne pas