Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/335

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On n’a pas de soucis matériels, et on ne craint pas les voleurs. Tous les ans, à présent que mes enfants tiennent le ménage, j’ai le temps de faire quelques petites excursions en France ; car les recoins de la France sont peu connus, et ils sont aussi beaux que ce qu’on va chercher bien loin. J’y trouve des cadres pour mes romans. J’aime à avoir vu ce que je décris. Cela simplifie les recherches, les études. N’eussé-je que trois mots à dire d’une localité, j’aime à la regarder dans mon souvenir et à me tromper le moins que je peux.

Tout cela est bien banal, cher ami, et, quand on est convié par un biographe comme vous, on voudrait être grand comme une pyramide pour mériter l’honneur de l’occuper.

Mais je ne puis me hausser. Je ne suis qu’une bonne femme à qui on a prêté des férocités de caractère tout à fait fantastiques. On m’a aussi accusée de n’avoir pas su aimer passionnément. Il me semble que j’ai vécu de tendresse et qu’on pouvait bien s’en contenter.

À présent, Dieu merci, on ne m’en demande pas davantage, et ceux qui veulent bien m’aimer, malgré le manque d’éclat de ma vie et de mon esprit, ne se plaignent pas de moi.

Je suis restée très gaie, sans initiative pour amuser les autres, mais sachant les aider à s’amuser.

Je dois avoir de gros défauts ; je suis comme tout le monde, je ne les vois pas. Je ne sais pas non plus