Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/42

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nous faisons au moins deux lieues à pied. Le pays est admirable, varié au possible : des prairies nivelées comme des tapis, des potagers splendides à perte de vue, avec des arbres fruitiers énormes ; puis des collines, même assez escarpées ; car, hier au soir, nous avons dû renoncer à grimper. Des bois charmants, des plantes que je ne reconnais pas, tant elles sont différentes en grandeur de celles de Nohant : de la géologie toute fracassée et tordue de mouvements, des cailloux, de la craie schisteuse, des grès, des sables fins, de la meulière ; dans les fonds, deux mètres de terre végétale fine comme de la cendre, fertile comme l’Eldorado, et arrosée de sources à chaque pas. Aussi les paysans d’ici sont plus riches que les bourgeois de chez nous. Ils sont très bons et obligeants, et respectent trop la propriété pour qu’on sache ce que c’est que le vol.

Le pays, passé six heures du soir, est désert comme le Sahara. Une fois sortis du village, nous marchons trois heures sur les collines sans rencontrer une âme ou un animal. Pas de Parisiens ni de flâneurs ; même le dimanche, fort peu de bourgeois. Des paysans qui se couchent avec le soleil ; le silence de Gargilesse. En somme, l’endroit me plaît beaucoup et c’est un isolement complet qui est très favorable au travail ; aussi j’y pioche beaucoup et je m’y porte très bien.

L’habitation est loin de réaliser ton rêve de grottes, de parc et d’orangers. C’est tout petit, tout petit, mais si commode et si propre, que je ne demande rien de