Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/83

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Soyez donc heureux, puisque le bonheur est une conquête et que vous venez de gagner une belle bataille. Les jours de dégoût et de fatigue reviendront. Le bonheur à l’état de réalité complète n’est pas une chose permanente pour l’homme ; mais il vous restera à l’état d’idéal, augmenté du souvenir des victoires ; et la morale de ceci est qu’il faut combattre toujours pour augmenter votre trésor de force et de foi. La reconnaissance des hommes, ce qu’on appelle la gloire n’est qu’une conséquence, un accessoire peut-être ! vous l’aurez. Mais votre but est plus élevé. Vous n’êtes pas pour rien de la race ambitieuse du bien, qui lutte en ce siècle contre la race ambitieuse d’argent. Vous avez des forces à dépenser, c’est déjà un bonheur que d’être riche en ce sens-là.

J’ai reçu vos invitations en règle ; merci de votre bon souvenir. Mais me voilà au coin du feu avec la grippe, et, pour quelques jours, je lutterai sans grand effort contre la fièvre.

Ce ne sera rien ; je penserai à vous et je parlerai de vous, ayant auprès de moi quelqu’un qui ne demande que cela.

Avez-vous pensé, en vous en allant tout seul, à pied, depuis le Panthéon, les mains dans vos poches, au clair de la lune, que, dans cent ans d’ici, la France, le monde par conséquent vivrait, grâce à vous, d’une autre vie ?

Du haut du Panthéon quelque chose a dû vous parler et vous crier : « Marche ! »