Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/158

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théâtres ou chez les auteurs dramatiques en s’offrant pour jouer les premiers rôles ! On les essayait dans les derniers emplois, ils ne savaient pas dire trois mots. Voilà le métier ridicule des prétendants, n’en soyez jamais, vous, mon prince philosophe et intelligent.

Mais je n’ai pas besoin de vous en prier. Vous ne donnerez jamais dans les godants du manifeste hypocrite ou naïf. Henri V est le plus honnête d’entre eux, il casse les vitres  : mais aussi il est le plus naïf.

République, société française, organisation nationale, peu m’importe le nom, mais point de maître, pas de droit divin, pas d’hérédité dynastique, voilà ce que veulent tous ceux qui ne sont ni ambitieux, ni fous. Et il y en a encore pas mal, soyez-en certain ; ceux qui s’emparent du pouvoir par surprise sont toujours en minorité. Ils peuvent l’emporter à un moment donné, ils ne peuvent pas durer, on ne leur pardonne jamais l’usurpation du pouvoir ; on ne la pardonnerait pas plus à M. Thiers qu’à un autre, malgré sa grande influence du moment.

Voilà, mon cher et grand ami, ce que je réponds à votre question en toute liberté et santé de conscience. Maintenant devez-vous venir en France ? Oui, certainement, si la république s’y consolide et si vous jugez qu’elle mérite votre adhésion comme autrefois. Pour le moment, je ne sais s’il vous plairait d’y voir faire la cuisine et si les marmitons ne vous enverraient pas des éclaboussures. On vous accusera de conspirer, cela est inévitable, et, pour répondre, vous serez forcé de