Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/261

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la pluie, il fait aussi sec que dans une chambre, et où il y a encore des fleurs pour moi et des insectes pour Maurice. Les petites filles courent comme des lapins dans des bruyères plus hautes qu’elles. Mon Dieu, que la vie est bonne quand tout ce qu’on aime est vivant et grouillant ! Tu es mon seul point noir dans ma vie du cœur, parce que tu es triste et ne veux plus regarder le soleil. Quant à ceux dont je ne me soucie pas, je ne me soucie pas davantage des malices ou des bêtises qu’ils peuvent me faire ou se faire à eux-mêmes. Ils passeront comme passe la pluie. La chose éternelle, c’est le sentiment du beau dans un bon cœur. Tu as l’un et l’autre, sacredié ! tu n’as pas le droit de n’être pas heureux. — Peut-être eût-il fallu dans ta vie l’emboîtement du sentiment féminin dont tu dis avoir fait fi. — Je sais que le féminin ne vaut rien ; mais peut-être, pour être heureux, faut-il avoir été malheureux.

Je l’ai été, moi, et j’en sais long ; mais j’oublie si bien !

Enfin, triste ou gai, je t’aime et je t’attends toujours, bien que tu ne parles jamais de venir nous voir et que tu en rejettes l’occasion avec empressement ; on t’aime chez nous quand même, on n’est pas assez littéraire pour toi, chez nous, je le sais ; mais on aime et ça emploie la vie.

Est-ce que Saint Antoine est fini, que tu parles d’un ouvrage de grande envergure ? ou si c’est le Saint Antoine qui va déployer ses ailes sur l’univers entier ? Il