Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/388

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L’art n’est pas un don qui puisse se passer d’un savoir immense étendu dans tous les sens. Mon exemple vous est pernicieux peut-être. Vous vous dites : « Voilà une femme qui ne sait rien et qui s’est fait un nom et une position. » Eh bien, cher enfant, je ne sais rien, c’est vrai, parce que je n’ai plus de mémoire ; mais j’ai beaucoup appris et, à dix-sept ans, je passais mes nuits à apprendre. Si les choses ne sont pas restées en moi à l’état distinct, elles ont fait tout de même leur miel dans mon esprit.

Vous êtes frappé du manque de solidité de la plupart des écrits et des productions actuelles : tout vient du manque d’étude. Jamais un bon esprit ne se formera s’il n’a pas vaincu les difficultés de toute espèce de travail, ou au moins de certains travaux qui exigent la tension soutenue de la volonté.

On sonne le dîner. Je veux que ma lettre parte ce soir. Je la reprendrai demain, et je vous embrasse aujourd’hui, en vous suppliant de faire un grand appel à vous-même, avant de dire ce mot honteux : « Je ne peux pas ! »

G. SAND.