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CMLVII

AU MÊME


Nohant, 2 mars 1876.


Cher enfant,

Je vous ai écrit hier en courant, j’étais en retard. Ne vous ai-je pas fait de la peine ? J’en suis toute triste aujourd’hui. Tout cela est dur ; mais vous comprenez que je vous parle comme si je vous avais mis au monde. J’en ai bien dit d’autres à Maurice quand il avait les langueurs et les irrésolutions de votre âge. Il m’a écouté, il en a rappelé. Il s’est bien trouvé d’être un homme tout en restant un artiste. C’est là la grande question. Vous avez les instincts et les goûts de l’art ; mais vous pouvez constater à chaque instant, que l’artiste purement artiste est impuissant, c’est-à-dire médiocre, ou excessif, c’est-à-dire fou. Vous n’avez pas été poussé dès l’enfance par des instincts spéciaux et une direction exclusive à être peintre ou musicien. S’il vous fallait entrer à fond dans ces études, elles seraient aussi ardues que le Droit et demanderaient même beaucoup plus d’heures de travail.

Vous auriez devant vous dix ans de pioche avant d’être productif. Les études naturelles vous seront très bonnes, nécessaires même, si vous êtes écrivain.