Page:Sand - Cosima.djvu/17

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LE CHANOINE.

L’a-t-il donc troublée en effet ?

COSIMA.

Ce matin, mon mari regardait par la fenêtre, et, moi, je travaillais auprès de lui ; et, comme il regardait toujours du côté des arcades où Ordonio Éliséi se promène continuellement, je pensai qu’il le voyait peut-être en ce moment-là, et qu’il pouvait me soupçonner de l’encourager.

LE CHANOINE.

Et pourquoi votre mari aurait-il eu un pareil soupçon ? Rien ne l’y autoriserait de votre part.

COSIMA.

Aussi, j’ignore pourquoi je me sentis tout à coup aussi effrayée et aussi confuse que si j’eusse en effet encouragé Ordonio à se trouver là.

LE CHANOINE.

Il y était donc ?

COSIMA.

Il y était. Pourtant, je ne l’ai pas regardé, je ne l’ai pas vu. Mais ceci est un mystère pour moi, mon oncle ! Chaque fois que cet homme est près de moi, j’en suis avertie secrètement par un trouble inexplicable. Y a-t-il donc des dangers si terribles, que les remords y précèdent les fautes ?

LE CHANOINE.

Je n’aime pas à vous entendre parler si bien de ces dangers, ma chère Cosima ; je crains que vous n’ayez beaucoup trop pensé à cet homme. Mais continuez ; car ce n’est pas tout ?

COSIMA.

Oh ! non, ce n’est pas tout ! Mon mari, s’étant retourné vers moi, me vit tout à coup si émue, que j’étais près de m’évanouir. Et lui aussi devint pâle ; et, comme il me soutint dans ses bras pour quitter la place où nous étions, je sentis qu’il tremblait comme moi, et que, comme moi, il était près de défaillir.

LE CHANOINE.

Pauvre Alvise ! Ô ciel ! permettras-tu que la paix du juste