Page:Sand - Cosima.djvu/18

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soit troublée par la fantaisie coupable du premier libertin qui passe !

COSIMA.

Ô Alvise, mon noble mari ! le plus sincère, le plus doux des hommes ! Savez-vous comment il me parla ? « Cosima, me dit-il, j’ai toujours eu en vous une aveugle confiance ; et me préserve le ciel de vous outrager par un soupçon ! Je crois en votre parole comme en celle de Dieu. Dites-moi donc que vous m’aimez. — Vous en doutez aujourd’hui, lui répondis-je, puisque vous me le demandez ! — Je ne demande rien, s’écria-t-il. Est-ce que je t’interroge, moi ? Je ne veux rien expliquer, ni rien comprendre. Dis-moi seulement que tu m’aimes ! — Ô mon ami, mon soutien, mon ange, lui dis-je, comment pourrais je ne pas t’aimer ? — Eh bien, s’écria-t-il, jure-le donc ! et jure aussi que tu n’aimes que moi, et que la seule pensée d’en aimer un autre n’est jamais entrée dans ton cœur. » Le ton dont il me questionnait ainsi me glaçait de crainte ; car, en écoutant mes réponses, il semblait vouloir lire dans mes yeux jusqu’au fond de mon âme. Et, comme je répondais d’une voix mal assurée : « Tu pourrais donc, reprit-il avec force, le jurer comme au jour de notre mariage, par tout ce qu’il y a de sacré, par la majesté de Dieu, par l’honneur, par le devoir, par le saint Évangile ? » Et, en même temps, il prit ma main glacée et la posa sur le livre sacré qui était là, ouvert sur une table.

LE CHANOINE.

Et vous avez juré ?

COSIMA.

Je… je ne sais pas, mon père… J’avais peur,… je ne savais ce que je faisais… et je crois que j’ai juré ;… oui, oui ! j’ai juré sur l’Évangile.

LE CHANOINE.

Et… ensuite ?…

COSIMA.

Et à peine eus-je obéi, qu’il se jeta à mes pieds, et me remercia presque en pleurant, me demandant pardon d’avoir pu