Page:Sand - Cosima.djvu/66

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COSIMA.

Assez souvent pour m’égarer, pour me perdre…

LE CHANOINE.

Pour te perdre ?… Oh ! non ! non ! c’est impossible… Vous ne sentez pas la portée de vos paroles. L’effroi vous égare… Dites-moi, dites-moi maintenant que ce n’est pas vrai !…

COSIMA.

Mon âme est criminelle !

LE CHANOINE.

Si le remords est en vous aussi profond, aussi sincère que vos larmes et vos paroles l’attestent, vous êtes déjà sauvée, ma fille… Vous détestez le mal, vous le fuirez. Vous fuirez Ordonio, vous ne le reverrez jamais !

COSIMA.

Il ne le faut plus, mon oncle, n’est-ce pas ? il ne le faut plus !

Elle fond en larmes.
LE CHANOINE.

Mon enfant, Dieu t’aidera. Notre vie à tous est une longue douleur, et cette terre est un lieu d’épreuve, où nos larmes nous frayent la voie vers le ciel… Mon cœur est brisé aussi, Cosima, brisé de la souffrance, et peut-être du repentir de l’avoir causée. Car j’ai été imprudent, je n’ai pas su te préserver. J’ai été un mauvais pasteur ; j’ai laissé errer loin de mes regards l’ouaille qui m’était confiée, et maintenant il faut que je la rapporte au bercail, sanglante et déchirée aux ronces du chemin. Ah ! je n’ai pas pu me méfier de toi, Cosima ; je t’aimais trop pour te soupçonner !

COSIMA, pleurant.

Vous m’avez trop estimée, mon oncle !

LE CHANOINE.

Et je t’estime toujours. Mais je te vois brisée et je t’aiderai. Je ne te quitterai plus. Je le sauverai, ma chère fille, malgré ton ennemi, malgré toi-même, s’il le faut. Allons, du courage ! essuie tes pleurs. Un amour véritable, sacré, veille sur toi, et il faudra bien que l’amour coupable lui cède la place.