Ici, Michelin me montra la lettre que je lui avais écrite, et moi, voulant connaître à fond ses intentions, je lui demandai si la somme promise lui paraissait suffisante pour qu’il se chargeât d’un enfant infirme.
— D’abord, répondit-il, l’enfant n’est ni muet ni sourd. Il parle un langage que nous n’entendons point du tout, mais il commence à gazouiller des mots que nous lui apprenons, et il apprendra peu à peu, car il a de l’esprit. Seulement, il est encore triste et pleure de temps en temps en réclamant sa mama. Il a donc une mère, et nous voyons bien, à l’argent qu’elle donne et qu’elle promet, qu’il n’est point abandonné. Nous avons tout intérêt à le rendre heureux et à le garder longtemps, car, dans nos pays, où l’on fait si peu de dépense pour vivre, la pension qu’on annonce est une fortune pour lui et pour nous.
— Si on vous tient parole ? Ne craignez-vous pas que le billet de mille francs ne soit tout le bénéfice que vous aurez ?
— Il en sera ce que Dieu voudra, monsieur Charles. Si l’argent n’arrive pas, nous ferons notre possible pour découvrir les parents ou les tuteurs, c’est notre devoir ; mais, si nous ne découvrons rien, eh bien, nous sommes des gens à qui, de père en fils, on n’a rien eu à reprocher. Nous garderons l’enfant, nous l’élèverons comme s’il était à nous, et, l’âge venu, s’il est bon sujet,