Page:Sand - Flamarande.djvu/157

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nous l’établirons du mieux que nous pourrons.

Michelin ne se vantait pas, il était homme d’un suprême bon sens, charitable et juste. Ce n’était plus tout à fait un paysan ; son père lui avait fait donner une certaine éducation, il savait lire, écrire et compter passablement. Il avait quelques notions d’histoire et de géographie ; sa moralité m’était bien connue. Il aimait l’argent, mais l’argent bien acquis. J’étais sûr qu’il ferait les choses en conscience. Sa femme était douce et propre. Je ne pouvais rien souhaiter de mieux pour Gaston.

Je demandai comment il s’appelait.

— Il n’a pas su nous le dire, répondit Michelin, car il ne comprend pas nos questions. Nous lui avons donné le nom qui nous est venu.

— Quel nom ?

— Espérance, et c’est peut-être le sien, car il l’a entendu tout de suite.

Je dissimulai un mouvement de surprise. Ce n’était pourtant pas le hasard seul qui, deux fois de suite, baptisait ainsi l’enfant condamné par son père. La sollicitude ou la pitié des autres venait naturellement lui promettre le retour de tous les biens dont on l’avait frustré. Je ne craignais pas que l’enfant me reconnût, puisqu’il ne m’avait vu que déguisé. Je lui parlai donc, mais il me regarda avec une fixité qui m’épouvanta ; puis, sautant sur mes genoux, il se mit à jouer avec les breloques de ma montre, comme il l’avait fait dans