Page:Sand - Flamarande.djvu/171

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Ainsi, malgré la brillante fortune et la grande existence de M. le comte, nous avions des occupations tranquilles et sérieuses. J’étais trop dans les affaires de M. le comte pour ne pas savoir qu’il avait beaucoup entamé son capital avant son mariage, et qu’il ne se trouverait au pair de son revenu qu’en vendant une de ses terres. Il en était question, et je le voyais avec chagrin s’obstiner à garder Sévines, qui était triste par lui-même et ne pouvait rappeler à madame que des souvenirs douloureux. Lorsque je le pressais de prendre un parti plutôt que de payer des intérêts en pure perte, il alléguait que sa dépense n’était pas considérable.

— Madame de Flamarande a une grande qualité, me dit-il un jour ; elle n’est pas mondaine, elle n’a pas la passion des bijoux et des chiffons. Je ne connais pas de femme dans sa position qui dépense moins. Quand je l’ai épousée, on a dit qu’elle me ruinerait, et on s’est grandement trompé.

Je saisis avec empressement cette occasion de faire l’éloge de madame Rolande, et le fis avec une vivacité qui frappa M. le comte.

— Dieu me pardonne, Charles, dit-il avec son rire le plus lugubre, vous vous montez la tête ! Moi qui vous croyais si calme !

J’étais monté en effet. Je donnai un libre cours à mon effusion.

— Non, monsieur le comte, m’écriai-je, je ne suis plus calme ; vous avez tué mon repos, vous