Page:Sand - Flamarande.djvu/172

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avez à jamais troublé mon sommeil. Oh ! vous pouvez bien me regarder avec votre œil terrible, vous pouvez lire jusqu’au fond de mon cœur, vous n’y trouverez qu’un amer chagrin, celui que je me flattais de ne jamais connaître, le remords d’une faute.

— Pourquoi ne pas dire un crime ? reprit M. le comte avec ironie.

— Je ne dirai pas un crime, répondis-je avec feu ; je dirai le mot vrai, une lâcheté ! Oui, vous m’avez fait commettre une lâcheté ! Je vous suis si dévoué que, si vous m’eussiez ordonné d’aller étrangler M. de Salcède, je n’aurais pas reculé. J’aurais pu m’en repentir, mais non pas en rougir comme de ce que j’ai fait, car j’ai fait la guerre à une femme et à un enfant, à deux êtres hors d’état d’offrir la moindre résistance. Une femme en couches et un enfant né de la veille, le bel exploit vraiment ! Oh ! oui, j’en rougis, et ne recouvrerai jamais l’estime de moi-même.

Le comte de Flamarande était devenu très-pâle à mes premières paroles. Certes, il avait eu envie de me jeter par la fenêtre ; mais on ne se brouille pas avec son unique confident. Il se contint et me parla avec douceur.

— Vous êtes très-exalté, mon pauvre Charles, me dit-il. Ce n’est pas un tort que d’avoir une conscience timorée ; cependant, c’est un danger lorsqu’on ne raisonne pas mieux que vous ne faites.