Page:Sand - Flamarande.djvu/174

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— Quelle idée ! On l’y découvrira. Sous quel nom est-il là ?

— Sous aucun nom.

Et je ne pus me défendre de lui raconter, avec un certain orgueil assez sot, comment, aidé par les circonstances, j’avais réussi à faire adopter Gaston par les Michelin sans rien révéler sur son compte.

Il admira mon habileté, me fit de grands compliments et me congédia en me laissant un vague espoir, car il eut l’air sinon d’approuver, du moins de trouver ingénieuse ma combinaison en vue de faciliter l’explication qu’il aurait à donner, s’il lui arrivait de rendre l’enfant à sa mère ; mais ce fut en vain que je le tourmentai maintes fois à cet égard. Il fut inébranlable, et je dus renoncer à le fléchir. Je tombai alors dans une grande tristesse, et ma santé en fut souvent altérée ; je ne pouvais plus soutenir la présence de madame la comtesse, quand elle entrait d’un côté, je sortais de l’autre ; je n’osais pas regarder et caresser Roger, que j’aimais pourtant avec tendresse ; je ne pouvais voir cette enfance si heureuse et si choyée sans me représenter mon pauvre petit Gaston gardant les vaches et marchant pieds nus sur les rochers. Quand madame conduisait Roger chez Susse ou chez Giroux, le mettant à même de choisir les plus beaux jouets, et qu’elle rentrait avec sa voiture pleine de ces objets coûteux et fragiles dont l’enfant s’amusait une heure pour les mettre en