Page:Sand - Flamarande.djvu/225

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qu’assez loin de là, et alors, me prenant sans doute pour un voleur, il arma un pistolet de poche. J’étais exaspéré ; j’aurais volontiers joué ma vie. Je continuai à le suivre, et, comme il entendait mes pas derrière les siens, il en parut ennuyé et s’arrêta court. Il aimait mieux être attaqué que surpris.

J’eus l’idée d’agir comme les voleurs et de lui demander l’heure, afin de le voir de près et d’entendre sa voix me dire avec menace de passer mon chemin. Il n’était pas homme à s’effrayer ; il me répondrait certainement et ne tirerait pas sur moi, si je ne l’attaquais pas. Je le savais doué d’un grand sang-froid ; mais alors il me reconnaîtrait, il saurait que je surveillais ses rendez-vous avec la comtesse, et il m’échapperait. Je voulais absolument savoir où il demeurait ; je ralentis mon allure pour le rassurer. Nous étions dans l’allée des pins ; l’obscurité augmentait lorsque je vis les lanternes d’un coupé qui était arrêté là. Il sauta dedans sans rien dire au cocher, mais j’eus le temps de voir, aux reflets troublés de ces lanternes, non pas une figure distincte, mais une barbe grise et des cheveux d’un blanc de neige.

Je m’étais donc trompé ? Ce n’était pas là le jeune et beau Salcède ; mais alors quel était donc ce vieillard à qui madame de Flamarande donnait rendez-vous au fond d’un bois par une triste soirée de février, et à qui elle disait avec l’accent de l’enthousiasme : « Oh ! que je vous aime ! »