Le coupé avait filé vers la porte Maillot avec la rapidité de l’éclair. J’étais à pied, accablé de fatigue, brisé par l’émotion. Je ne pus trouver de voiture et dus marcher encore jusqu’à l’Arc de triomphe. Là, je crus m’évanouir ! j’avais oublié de déjeuner. J’entrai dans un petit restaurant des Champs-Élysées pour me reposer plutôt que pour manger, et, m’asseyant dans un coin, je me pris à commenter amèrement la situation.
L’homme que j’avais vu était-il Salcède ? Pourquoi non ? On peut se déguiser avec une barbe et une perruque blanches. Si ma première impression ne m’avait trompé ni au bois de Boulogne, ni sur le sentier de Flamarande, Salcède était en France. Il y était caché et déguisé, puisque pas une personne de sa connaissance ne l’avait vu et ne savait son retour. Avec l’aide d’Ambroise, il avait pu percer le mystère qui pesait sur Espérance ; il avait dû alors revenir à Paris, et, craignant d’écrire à la comtesse pour l’informer de cette grande découverte, il avait dû lui demander un rendez-vous par l’intermédiaire de madame de Montesparre. Je ne surveillais plus la remise des lettres aux personnes de la maison ; madame avait fort bien pu, depuis huit jours, s’entendre avec la baronne.
Ainsi le fait était accompli ! Madame de Flamarande savait tout, je n’avais plus rien à lui dire. Elle devait me haïr et me mépriser profondément. Quant à son mari, il devait lui être devenu odieux,