preuve de son innocence. Je ne vis donc pas d’intérêt certain à m’emparer de la correspondance, et le danger de commettre ce larcin ne me parut pas compensé par l’assurance de rendre à Roger un véritable service. Cependant c’étaient là les seules preuves que je pusse espérer de recueillir, et, pour en trouver d’autres, il fallait compter sur un nouveau hasard extraordinaire.
Je tombai dans de grandes perplexités. Tout à coup, en me voyant seul dans cette demeure silencieuse violée par ma curiosité, j’eus un sentiment de honte et d’horreur de moi-même. Il y avait de l’argent, beaucoup d’argent, confié pour ainsi dire et comme mis sous la protection de la loyauté publique, et moi, pire qu’un voleur d’argent, je songeais à dérober les secrets du cœur et de la conscience ! Je rangeai avec soin les papiers, je refermai tous les secrets du bureau, et je m’approchai de la fenêtre. Le jour paraissait à peine, mais les paysans étaient probablement déjà debout, et je me hâtai d’éteindre les bougies. Puis je songeai aux moyens d’opérer ma retraite sans laisser de traces de mon passage dans le pays, car j’étais quitte de tout devoir de protection envers Espérance, et je n’avais rien à apprendre à Flamarande qui ne me fût désormais connu. Je montai au grenier, et j’y pris une des cordes qui avaient servi à ficeler les gros colis. Je descendis au salon. C’est de là qu’à l’aide de cette corde convenablement arrangée je