Page:Sand - Flamarande.djvu/46

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— Vous avez beaucoup d’esprit, Charles, reprit M. le comte d’un ton ironique assez méprisant. Je vous donne le bonsoir.

Je me retirais vexé, il me rappela.

— Attendez ! Je veux savoir ce qu’on dit de moi dans la maison,

Je répondis avec quelque dépit :

— Maîtres et serviteurs disent que M. le comte a une femme beaucoup plus jeune et plus belle que la baronne de Montesparre.

Sa pensée saisit le lien de ma réflexion.

— Et on ajoute, dit-il, que là où brille madame Rolande, personne ne peut songer à madame Berthe. C’est très-judicieux ! Merci, Charles ; à demain.

Une soudaine tristesse avait envahi sa figure. Sa voix n’était plus âpre, mais comme suffoquée. Je sentais des remords. Peut-être avais-je, par mon sot dépit, enfoncé l’aiguillon de la jalousie dans ce cœur disposé à en absorber le venin. Ce n’était certes pas là mon intention. Je ne suis pas un méchant homme, et je fis en m’endormant un examen de conscience assez douloureux. Comment devais-je donc me conduire dans la situation délicate où M. le comte me plaçait ? Pourquoi m’interrogeait-il, s’il devait s’offenser de mes réponses ? Étais-je donc chargé d’avoir plus de clairvoyance que lui ? Il avait quelque soupçon, puisqu’il me questionnait ; voulait-il me laisser tout l’odieux de