Page:Sand - Flamarande.djvu/47

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l’éclairer en feignant de prendre mes révélations pour des calomnies ?

Je résolus de m’éclairer moi-même, afin d’être tout armé en cas d’une nouvelle attaque. J’observai avec un grand art. Je trouvai mille prétextes plausibles pour rester près des maîtres sans attirer l’attention, et je me composai le visage d’un homme sourd ou d’un niais qui ne comprend rien.

Au bout de huit jours, je savais que madame de Montesparre était bien réellement éprise de M. de Salcède, et qu’elle confiait ses sentiments à madame de Flamarande. Celle-ci la dissuadait de son rêve, disant qu’Alphonse était trop jeune pour se marier et trop savant pour aimer. Se savait-elle préférée ? Elle était par trop naïve, si elle ne s’en doutait pas.

Je surprenais des conversations intimes. Un jour, la jolie Berthe dit à la belle Rolande :

— Vous avez l’air de railler mon sentiment. On dirait que vous ne le comprenez pas. N’avez-vous jamais aimé ?

— J’aime mon mari, répondit la comtesse un peu sèchement.

— On aime toujours son mari quand on est honnête femme, reprit la baronne ; cela n’empêche pas d’avoir des yeux. Vous avez les plus beaux qui soient au monde. Ouvrez-les et dites-moi si Alphonse vous paraît indigne de mon affection.

— Non certes ! je le crois le plus pur et le plus estimable des hommes.