Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/221

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du soir, dans les exercices à pied et à cheval, et figurant comme serre-file dans les uns et dans les autres en ma qualité de brigadier. Je rentre le soir excédé, n’ayant pas pu donner un seul instant aux muses, aux jeux et aux ris. Je manque les plus jolies parties ; je néglige les plus jolies femmes, je ne fais même presque plus de musique… Je suis brigadier à la lettre, je me plonge dans la tactique, et je suis pétrifié de me voir devenu un modèle d’exactitude et d’activité. Et le plus drôle de l’affaire, c’est que j’y prends goût, et ne regrette rien de ma vie facile et libre.

« Que tu es bonne de t’occuper ainsi de la petite maison ! Ah ! si toutes les mères te ressemblaient, un fils ingrat serait un monstre imaginaire !

« J’ai reçu l’argent, j’ai payé toutes mes dépenses. Je suis au niveau de mes affaires, c’est-à-dire que je suis sans le sou, mais je ne dois plus rien à personne ; ne m’en envoie pas avant la fin du mois. J’ai de tout à crédit ici, et je ne manque de rien. Adieu, ma bonne mère, je t’aime de toute mon ame, je t’embrasse comme je t’aime. Mes amitiés à père Deschartres et à ma bonne. » La lettre qu’on vient de lire et qui porte la date de Thionville, fut écrite de Colmar. Cette date est un pieux mensonge que va expliquer la lettre suivante.