Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/253

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le feu de l’ennemi, fortifié de manière qu’il n’avait qu’à allumer les bombes et les obus et à les laisser rouler pour nous empêcher d’approcher. Bonaparte ne voulut rien entendre, et, en repassant, il répéta aux grenadiers que le fort était à eux. L’assaut fut ordonné pour deux heures après minuit. N’étant point monté, et le fort étant à deux lieues du quartier-général, je n’avais point l’ordre d’y aller.

Je rentrai donc à Verres avec mes compagnons de promenade, et, après souper, je souhaite le bonsoir à chacun, et, sans rien dire, je repars pour le fort de Bard. On arrive à ce fort par une longue vallée bordée de rochers immenses, couverts de cyprès. Il faisait une nuit obscure, et le silence qui regnait dans ce lieu sauvage n’était interrompu que par le bruit d’un torrent qui roulait dans les ténèbres, et par les coups sourds et éloignés du canon du fort. J’avance lestement.

J’entends déjà les coups plus distinctement, bientôt j’aperçois le feu des pièces ; bientôt je suis à portée. Je vois deux hommes couchés derrière une roche contre un bon feu. Jugeant que le général Dupont doit être avec le général en chef, je vais leur demander s’ils n’ont pas vu passer ce dernier. Le voilà ! me dit l’un d’eux en se levant : c’était Berthier lui-même. Je lui dis qui j’étais et qui je cherchais.

Il m’indiqua où était le général Dupont. Il était sur le pont de la ville de Bard. J’y vais, et je le trouve entouré de grenadiers,