Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/290

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loin le canon. Le général me dit de monter aussitôt à cheval, et d’aller voir ce qui se passait. Je me lève, et, en deux sauts, je dégringole l’escalier et cours à l’écurie. Au moment de monter à cheval je me retourne pour voir derrière moi cette chère femme, rouge, embarrassée et jetant sur moi un long regard exprimant la crainte, l’intérêt, l’amour… J’allais répondre à tout cela en lui sautant au cou : mais, au milieu de la cour, c’était impossible. Je me bornai à lui serrer tendrement la main en sautant sur mon noble coursier, qui, plein d’ardeur et d’audace, fit trois caracoles magnifiques en s’élançant sur la route. Je fus bientôt au poste d’où partait le bruit. J’y trouve les Autrichiens repoussés dans une escarmouche qu’ils étaient venus engager avec nous. J’en revins porter la nouvelle au général. Elle était encore là. Ah ! comme je fus reçu !

et comme le dîner fut riant, aimable ! Comme elle eut pour moi de délicates attentions !

« Ce soir, par un hasard inespéré, je me suis trouvé seul avec elle.

Tout le monde, fatigué des courses excessives de la journée, s’était couché. Je n’ai pas tardé à dire combien j’aimais, et elle, fondant en larmes, s’est jetée dans mes bras. Puis, elle s’est échappée malgré moi et a couru s’enfermer dans sa chambre. J’ai voulu la suivre ; elle m’a prié, conjuré, ordonné de la laisser seule. Et moi, en amant soumis, j’ai obéi. Comme nous montons à cheval à la pointe du