Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/293

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des temps. Dans son enfance, on préféra probablement pour elle le nom d’Antoinette, celui de la reine de France. Durant les conquêtes de l’empire, le nom de Victoire prévalut naturellement. Depuis son mariage avec elle, mon père l’appela toujours Sophie.

Tout est significatif et emblématique (et le plus naturellement du monde) dans les détails en apparence les plus fortuits de la vie humaine.

Sans doute, ma grand’mère eût préféré pour mon père une compagne de son rang : mais elle l’a dit et écrit elle-même, elle ne se fût pas sérieusement affligée pour ce qu’on appelait dans son temps et dans son monde une mésalliance. Elle ne faisait pas de la naissance plus de cas qu’il ne faut, et, quant à la fortune, elle savait s’en passer et trouver dans son économie et dans ses privations personnelles de quoi remédier aux dépenses qu’entraînaient les postes plus brillans que lucratifs qu’occupa son fils. Mais elle ne put qu’à grand’peine accepter une belle-fille dont la jeunesse avait été livrée, par la force des choses, à des hasards effrayans. C’était là le point délicat à trancher, et l’amour, qui est la suprême sagesse et la suprême grandeur d’ame, quand il est sincère et profond, le trancha résolument dans l’ame de mon père. Un jour vint aussi où ma grand’mère se rendit.

Mais nous n’y sommes point encore, et j’ai à vous raconter bien des