Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/380

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avait rencontrés dans le cœur maternel. Il n’avait pu la calmer, durant ces deux ans, où de continuelles absences amenaient pour elle de continuels déchiremens, qu’en lui cachant la force de son amour et l’avenir de fidélité qu’il s’était créé. Combien il dût souffrir le jour où, sans rien avouer à ses parens, à ses meilleurs amis, il conféra le nom de sa mère à une femme digne par son amour de le porter, mais que sa mère devait si difficilement s’habituer à lui voir partager ! Il le fit pourtant : il fut triste, il fut épouvanté, et il n’hésita pas. Au dernier moment, Sophie Delaborde, vêtue d’une petite robe de basin, et n’ayant au doigt qu’un mince filet d’or, car leurs finances ne leur permirent d’acheter un véritable anneau de six francs qu’au bout de quelques jours ; Sophie, heureuse et tremblante, intéressante dans sa grossesse, et insouciante de son propre avenir, lui offrit de renoncer à cette consécration du mariage qui ne devait rien ajouter, rien changer, disait-elle, à leurs amours. Il insista avec force, et quand il fut revenu avec elle de la mairie, il mit sa tête dans ses mains et donna une heure à la douleur d’avoir désobéi à la meilleure des mères. Il essaya de lui écrire, il ne put que lui envoyer les quelques lignes qui précèdent et qui, malgré ses efforts, trahissent son effroi et ses remords. Puis, il envoya sa lettre, demanda pardon à sa femme de ce moment donné à la nature, prit dans ses bras ma sœur Caroline, l’enfant d’une autre union,