Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/434

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ma femme est toujours ma Sophie. Je cours à la poste. Mon cœur bat d’espérance et de crainte. Je trouve une lettre de toi ; je l’ouvre avec transport. Je tremble de bonheur en lisant les douces expressions de ta tendresse… Oh ! oui ! chère femme, c’est pour la vie que je suis à toi, rien au monde ne peut altérer l’ardent amour que je te porte, et tant que tu le partageras, je défierai le sort, la fortune et les ridicules injustices. J’avais grand besoin de lire une lettre de ma femme pour me faire supporter l’ennui de mon existence.

« Après m’être battu en bon soldat, avoir exposé cent fois ma vie pour le succès de nos armes, avoir vu périr à mes côtés mes plus chers amis, j’ai eu le chagrin de voir nos plus brillans exploits ignorés, défigurés, obscurcis par la valetaille militaire. Je m’entends et tu dois m’entendre, et reconnaître les courtisans. Sans cesse à la tête des régimens de notre division, j’ai vu que le courage et l’intrépidité étaient des qualités inutiles, et que la faveur seule distribuait les lauriers. Enfin, nous étions six mille il y a deux mois, nous ne sommes plus que trois mille aujourd’hui. Pour notre part, nous avons pris cinq drapeaux à l’ennemi, dont deux aux Russes, nous avons fait cinq mille prisonniers, tué deux mille hommes, pris quatre pièces de canon, le tout dans l’espace de six semaines, et nous voyons citer tous les jours, dans les rapports, des