Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/435

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gens qui n’ont rien fait du tout, tandis que nos noms restent dans l’oubli. L’estime et l’affection de nos camarades me consolent. Je reviendrai pauvre diable, mais avec des amis que j’ai faits sur le champ de bataille, et qui sont plus sincères que messieurs de la cour. Je t’ennuie de mon humeur noire ; mais à qui puis-je conter mes chagrins, si ce n’est à ma Sophie, et qui peut mieux qu’elle les partager et les adoucir ?

« Enfin, comme nos soldats sont excédés, que nous nous sommes battus sans relâche depuis huit jours avec les Russes, on nous a renvoyés de la Moravie ici pour prendre quelque repos. J’ai tout perdu à l’affaire d’Haslach[1]. Je m’en suis indemnisé depuis aux dépens d’un officier de dragons de Latour, auquel j’ai fait mettre pied à terre.

« On nous promet toujours de fort belles choses, mais Dieu sait si cela viendra ! Ma mère m’écrit que tu ne manqueras de rien, et que je puis être tranquille. À propos, de quelle nouvelle folie m’as-tu régalé ? J’en ai fait rire Debaine aux larmes. Mlle Roumier est ma vieille bonne à qui ma mère fait une pension pour m’avoir élevé. Elle avait quarante ans quand je

  1. Pendant cette glorieuse affaire, les Autrichiens s’étaient jetés à Albeck sur les bagages de la division Dupont, et s’en étaient emparés ramassant ainsi, dit M. Thiers quelques vulgaires trophées, triste consolation d’une défaite essuyée par 25,000 hommes contre 6,000.