Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/442

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bras ou jambes. Je ne rencontre pas un être dans l’armée qui ne fasse un vœu analogue ; mais le maudit honneur est là qui nous retient tous. Beaucoup se plaignent, moi, je souffre tout bas, car, que m’importent les dégoûts, les privations, les fatigues, ce n’est point là ce qui me chagrine dans le métier, c’est ton absence, et je ne puis aller dire cela aux autres. Ceux qui ne te connaissent pas ne comprendraient pas l’excès de mon amour, ceux qui te connaissent le comprendraient trop.

« Parle de moi à nos enfans. Je suis forcé de courir au fourrage. Pas un moment même pour goûter cette demi-consolation de t’écrire ! Je t’aime comme un fou. Aime-moi si tu veux que je conserve la vie. » Après l’affaire de la Passage mon père fut fait chef d’escadron, et, le 4 avril 1807, Murat se l’attacha en qualité d’aide-de-camp.

Deschartres m’a raconté que ce fut à la recommandation de l’empereur, qui, l’ayant remarqué, dit au prince : « Voilà un beau et brave jeune homme : c’est comme cela qu’il vous faut des aides-de-camp. » Mon père s’attendait si peu à cette faveur qu’il faillit la refuser, en voyant qu’elle allait l’assujettir davantage, et créer un nouvel obstacle au repos absolu qu’il rêvait au sein de sa famille. Ma mère lui sut assez mauvais gré de ce qu’elle appela