Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/443

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son ambition, et il eut à s’en justifier, ainsi qu’on le verra dans la lettre suivante : « Rosemberg, 10 mai 1807, au quartier général du grand-duc de Berg.

« Après avoir couru pendant trois mois comme un dératé et donné au prince un assez joli échantillon de mon savoir-faire dans la partie des missions, j’arrive ici et j’y trouve deux lettres de toi, du 23 mars et du 8 avril. La première me tue. Il me semble que tu ne m’aimes déjà plus quand tu m’annonces que tu vas t’efforcer de m’aimer un peu moins. Heureusement je décachète la seconde et je vois bien que c’est à force de m’aimer que tu me fais tout ce mal. Ô ma chère femme, ma Sophie, tu as pu les écrire ces mots cruels, m’envoyer à trois cents lieues ce poison mortel, m’exposer à la douleur de lire cette lettre affreuse, pendant quinze jours peut-être, avant d’en avoir reçu une autre qui me rassure et me console ! Me voilà forcé de remercier Dieu d’avoir été longtemps privé de tes nouvelles. Ô mon amie ! abjure ces horribles pensées, ces injustes soupçons ! Est-il possible que tu doutes de moi ! Le plus sensible reproche que tu puisses me faire, c’est de me dire que je ne me souviens pas que Caroline existe, et que tu es effrayée en pensant à l’avenir de cette enfant. En quoi ai-je pu mériter ces doutes injurieux ? Ai-je un seul moment cessé de la regarder comme ma fille ? Ai-je fait, dans mes soins et dans mes caresses, la moindre différence