Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/471

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Avec cela, on me parlait du paradis, et on me régalait de ce qu’il y avait de plus frais et de plus joli dans l’allégorie catholique ; si bien que les anges et les amours, la bonne Vierge et la bonne fée, les polichinelles et les magiciens, les diablotins du théâtre et les saintes de l’église, se confondant dans ma cervelle, y produisaient le plus étrange gâchis poétique qu’on puisse imaginer.

Ma mère avait des idées religieuses que le doute n’effaça jamais, vu qu’elle ne les examina jamais. Elle ne se mettait donc nullement en peine de me présenter comme vraies ou emblématiques les notions de merveilleux qu’elle me versait à pleines mains, artiste et poète qu’elle était elle-même sans le savoir, croyant, dans sa religion, à tout ce qui était beau et bon, rejetant tout ce qui était sombre et menaçant, et me parlant des trois Grâces ou des neuf Muses avec autant de sérieux que des vertus théologales ou des vierges sages.

Que ce soit éducation, insufflation ou prédisposition, il est certain que l’amour du roman s’empara de moi passionnément, avant que j’eusse fini d’apprendre à lire. Voici comment : Je ne comprenais pas encore la lecture des contes de fées ; les mots imprimés, même dans le style le plus élémentaire, ne m’offraient pas grand sens, et c’est par le récit que j’arrivais à comprendre ce qu’on m’avait fait lire. De mon