Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/513

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Or, la pauvre reine que je voyais là était vêtue d’une petite robe blanche très étriquée à la mode du temps et très jaunie par la poussière. Sa fille, qui me parut avoir huit ou dix ans, était vêtue comme elle, et toutes deux me parurent très brunes et assez laides ; du moins, c’est l’impression qui m’en est restée. Elles avaient l’air triste et inquiet. Dans mon souvenir, elles n’avaient ni suite ni escorte ; elles fuyaient plutôt qu’elles ne partaient, et j’entendis ensuite ma mère qui disait d’un ton d’insouciance : « C’est encore une reine qui se sauve. » Ces pauvres reines sauvaient, en effet, leurs personnes, en laissant l’Espagne livrée à l’étranger. Elles allaient à Bayonne chercher auprès de Napoléon une protection qui ne leur manqua point, en tant que sécurité matérielle, mais qui fut le sceau de leur déchéance politique. On sait que cette reine d’Etrurie était fille de Charles IV et infante d’Espagne. Elle avait épousé son cousin, le fils du vieux duc de Parme. Napoléon, voulant s’emparer du duché, avait donné en retour aux jeunes époux la Toscane, avec le titre de royaume. Ils étaient venus à Paris, en 1801, rendre hommage au premier consul, et ils y avaient été reçus avec de grandes fêtes. On sait que la jeune reine, ayant abdiqué au nom de son fils, était revenue à Madrid au commencement de 1804 pour prendre possession du nouveau royaume de Lusitanie que la victoire devait