Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/145

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l’hiver, et, à mon retour, la séparation était un fait préparé et accompli, car je ne me rappelle pas qu’il ait amené de la surprise et des larmes. Je sais que cette année-là, ou la suivante, Ursule venait me voir tous les dimanches, et nous étions restées tellement liées, que je ne passais pas un samedi sans lui écrire une lettre pour lui recommander de venir le lendemain, et pour lui envoyer un petit cadeau. C’était toujours quelque niaiserie de ma façon, un ouvrage en perles, une découpure en papier, un bout de broderie. Ursule trouvait tout cela magnifique et en faisait des reliques d’amitié.

Ce qui me surprit et me blessa beaucoup, c’est que tout d’un coup elle cessa de me tutoyer. Je crus qu’elle ne m’aimait plus, et quand elle m’eut protesté de son attachement, je crus que c’était une taquinerie, une obstination, je ne sais quoi enfin ; mais cela me parut une insulte gratuite, et, pour me consoler, il fallut qu’elle m’avouât que sa tante Julie lui avait solennellement défendu de rester avec moi sur ce pied de familiarité inconvenante. Je courus en demander raison à ma grand’mère, qui confirma l’arrêt en me disant que je comprendrais plus tard combien cela était nécessaire. J’avoue que je ne l’ai jamais compris.

J’exigeai qu’Ursule me tutoyât quand nous serions tête à tête ; mais comme à ce compte elle n’eût pu guère prendre l’habitude