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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/149

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Puisque ce n’est pas chaste, je ne veux pas embrasser. » Elle ne répondit rien, me posa à terre, se leva et quitta sa chambre avec plus de précipitation qu’elle ne paraissait capable d’en mettre dans ses mouvemens.

Cela m’étonna, m’inquiéta même après un moment de réflexion, et je n’eus pas de peine à la rejoindre dans le jardin ; je la vis prendre l’allée qui longe le mur du cimetière et s’arrêter devant la tombe de mon père. Je ne sais pas si j’ai dit déjà que mon père avait été déposé dans un petit caveau pratiqué sous le mur du cimetière, de manière que la tête reposât dans le jardin et les pieds dans la terre consacrée. Deux cyprès et un massif de rosiers et de lauriers francs marquent cette sépulture, qui est aussi aujourd’hui celle de ma grand’mère.

Elle s’était donc arrêtée devant cette tombe qu’elle avait bien rarement le courage d’aller regarder, et elle pleurait amèrement. Je fus vaincue, je m’élançai vers elle, je serrai ses genoux débiles contre ma poitrine et je lui dis une parole qu’elle m’a bien souvent rappelée depuis : « Grand’mère, c’est moi qui vous consolerai. » Elle me couvrit de larmes et de baisers et alla sur-le-champ trouver ma mère avec moi. Elles s’embrassèrent sans s’expliquer autrement, et la paix revint pendant quelque temps.

Mon rôle eût été de rapprocher ces deux femmes et de les mener, à chaque querelle,