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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/170

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nous prendrons plus tard Ursule avec nous. Et puis nous ferons des économies, et, dans quelques années, si je peux vous donner à chacune huit ou dix mille francs, ce sera de quoi vous marier avec d’honnêtes ouvriers qui vous rendront plus heureuses que des marquis et des comtes. Au fait, tu ne seras jamais à ta place dans ce monde-là. On ne t’y pardonnera pas d’être ma fille et d’avoir eu un grand-père marchand d’oiseaux. On t’y fera rougir à chaque instant, et si tu avais le malheur de prendre leurs grands airs, tu ne te pardonnerais plus à toi-même de n’être qu’à moitié noble. C’est donc résolu. Garde bien ce secret-là. Je vais partir, et je m’arrêterai un jour ou deux à Orléans pour m’informer et voir des boutiques à louer. Puis je préparerai tout à Paris, je t’écrirai en cachette par Ursule ou par Catherine, quand tout sera arrangé, et je viendrai te prendre ici. J’annoncerai ma résolution à ma belle-mère : je suis ta mère, et personne ne peut m’ôter mes droits sur toi. Elle se fâchera, elle me retirera le surplus de pension qu’elle me donne, je m’en moquerai : nous partirons d’ici pour prendre possession de notre petite boutique, et quand elle passera dans son carrosse par la grande rue d’Orléans, elle verra en lettres longues comme le bras : « Madame veuve Dupin, marchande de modes. »


FIN DU TOME CINQUIÈME.

Typographie L. Schnauss.