Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/176

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chercher au bout de huit jours. Mon enjouement, ma pétulance étonnèrent ma bonne maman pendant le dîner, d’autant plus que j’avais tant pleuré que j’avais les paupières presque en sang, et que ce contraste était inexplicable. Ma mère me dit quelques mots à l’oreille pour m’engager à m’observer et à ne pas donner de soupçons. Je m’observai si bien, je fus si discrète, que jamais personne ne se douta de mon projet, bien que je l’aie porté quatre ans dans mon cœur avec toutes les émotions de la crainte et de l’espérance ; je ne le confiai jamais, pas même à Ursule.

Pourtant, à mesure que la nuit approchait (ma mère devait partir à la première aube), j’étais inquiète, épouvantée. Il me semblait que ma mère ne me regardait pas de l’air d’intelligence et de sécurité qu’il aurait fallu pour me consoler. Elle devenait triste et préoccupée. Pourquoi était-elle triste, puisqu’elle devait sitôt revenir, puisqu’elle allait travailler à notre réunion, à notre bonheur ? Les enfans ne doutent pas par eux-mêmes et ne tiennent pas compte des obstacles, mais quand ils voient douter ceux en qui leur foi repose, ils tombent dans une détresse de l’âme qui les fait ployer et trembler comme de pauvres brins d’herbe.

On m’envoya coucher à neuf heures, comme à l’ordinaire. Ma mère m’avait bien promis de ne pas se coucher elle-même sans entrer dans