Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/178

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presque éteint ; j’en vins à bout, et j’écrivis sur des feuilles arrachées à mon cahier de verbes latins.

Je vois encore ma lettre et l’écriture ronde et enfantine que j’avais dans ce temps-là ; mais qu’y avait-il dans cette lettre ? Je ne m’en souviens plus. Je sais que je l’écrivis dans la fièvre de l’enthousiasme, que mon cœur y coulait à flots pour ainsi dire, et que ma mère l’a gardée longtemps comme une relique ; mais je ne l’ai pas retrouvée dans les papiers qu’elle m’a laissés. Mon impression est que jamais passion plus profonde et plus pure ne fut plus naïvement exprimée, car mes larmes l’arrosèrent littéralement, et à chaque instant j’étais forcée de retracer les lettres effacées par mes pleurs.

Mais comment remettre cette lettre à ma mère si elle était accompagnée, en montant l’escalier, par Deschartres ? J’imaginai, pendant que j’en avais le temps encore, de pénétrer dans la chambre de ma mère sur la pointe du pied. Il fallait ouvrir et fermer des portes, précisément au-dessus de la chambre de Mlle Julie. La maison est d’une sonorité effrayante, grâce à une immense cage d’escalier où vibre le moindre souffle. J’en vins à bout cependant, et je plaçai ma lettre derrière un petit portrait de mon grand’père qui était comme caché derrière une porte. C’était un dessin au crayon où il était représenté, non pas jeune, mince et coquet, comme dans