Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/20

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et complaisant ! Et ce petit appartement si pauvre et si laid en comparaison des salons ouatés de ma grand’mère (c’est ainsi que je les appelais par dérision), devint pour moi en un instant la terre promise de mes rêves. Je l’explorais dans tous les coins, je regardais avec amour les moindres objets, la petite pendule en albâtre, les vases de fleurs en papier, jaunies sous leur cylindre de verre, les pelottes que Caroline avait brodées en chenille, à sa pension, et jusqu’à la chaufferette de ma mère, ce meuble prolétaire banni des habitudes élégantes, ancien trépied de mes premières improvisations dans la rue Grange-Batelière. Comme j’aimais tout cela ! Je ne me lassais pas de dire : « Je suis ici chez nous. Là-bas, je suis chez ma bonne maman. — Sac à papier ! disait Pierret, qu’elle n’aille pas dire chez nous devant Mme Dupin : elle nous reprocherait de lui apprendre à parler comme aux z-halles. » Et Pierret de rire aux éclats, car il riait volontiers de tout, et ma mère de se moquer de lui, et moi de crier : Comme on s’amuse chez nous !

Caroline me faisait des pigeons avec ses doigts ; ou, avec un bout de fil que nous passions et croisions dans les doigts l’une de l’autre, elle m’apprenait toutes ces figures et ces combinaisons de lignes que les enfans appellent le lit, le bateau, les ciseaux, la scie, etc. Les belles poupées et les beaux livres d’images de ma bonne maman ne me paraissaient plus rien auprès de ces jeux