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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/263

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frayer un passage qui pût me trahir, et chaque fois je m’introduisais par un côté différent, afin de ne pas laisser de traces en foulant un sentier et en brisant des arbrisseaux par des tentatives répétées.

Quand tout fut prêt, je pris possession de mon empire avec délices, et, m’asseyant sur la mousse, je me mis à rêver aux sacrifices que j’offrirais à la divinité de mon invention. Tuer des animaux ou seulement des insectes pour lui complaire, me parut barbare et indigne de sa douceur idéale. Je m’avisai de faire tout le contraire, c’est-à-dire de rendre sur son autel la vie et la liberté à toutes les bêtes que je pourrais me procurer. Je me mis donc à la recherche des papillons, des lézards, des petites grenouilles vertes et des oiseaux ; ces derniers ne me manquaient pas, j’avais toujours une foule d’engins tendus de tous côtés, au moyen desquels j’en attrapais souvent. Liset en prenait dans les champs et me les apportait ; de sorte que, tant que dura mon culte mystérieux, je pus tous les jours délivrer, en l’honneur de Corambé, une hirondelle, un rouge-gorge, un chardonneret, voire un moineau franc. Les moindres offrandes, les papillons et les scarabées comptaient à peine. Je les mettais dans une boîte que je déposais sur l’autel et que j’ouvrais, après avoir invoqué le bon génie de la liberté et de la protection. Je crois que j’étais devenue un peu comme ce pauvre