Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/269

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manger hors des repas, et si elle arrivait, armée d’une houssine verte, elle frappait impartialement sur moi et sur mes complices.

Chaque saison amenait ses plaisirs. Dans le temps des foins, quelle joie de se rouler sur le sommet du charroi, ou sur les miloches ! Toutes mes amies, tous mes petits camarades rustiques venaient glaner derrière les ouvriers dans nos prairies, et j’allais rapidement faire l’ouvrage de chacun d’eux, c’est-à-dire que, prenant leurs râteaux, j’entamais dans nos récoltes, et qu’en un tour de main je leur en donnais à chacun autant qu’il en pouvait emporter. Nos métayers faisaient la grimace, et je ne comprenais pas qu’ils n’eussent pas le même plaisir que moi à donner. Deschartres se fâchait ; il disait que je faisais de tous ces enfans des pillards qui me feraient repentir, un jour, de ma facilité à donner et à laisser prendre.

C’était la même chose en temps de moisson ; ce n’était plus des javelles qu’emportaient les enfans de la commune, c’était des gerbes. Les pauvresses de La Châtre venaient par bandes de quarante et cinquante. Chacune m’appelait pour suivre sa rège, c’est-à-dire pour tenir son sillon avec elle, car elles établissent entre elles une discipline et battent celle qui glane hors de sa ligne. Quand j’avais passé cinq minutes avec une glaneuse, comme je ne me gênais pas pour prendre à deux mains dans nos gerbes, elle avait