Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/300

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pour moi dans ces représentations où Mme Duvernet avait l’obligeance de me conduire toutes les semaines. Je ne me souvenais plus d’avoir vu de belles salles de spectacle et des acteurs de premier ordre à Paris. Il y avait si longtemps de cela que la comparaison ne me gênait point. Je ne m’apercevais pas de la misère des décors, de l’absurdité des costumes : mon imagination et le prestige de la musique suppléant à tout ce qui manquait, je croyais assister aux plus beaux, aux plus somptueux, aux plus complets spectacles de l’univers, et ces comédiens de campagne, chantant et déclamant dans une grange, m’ont fait autant de plaisir et de bien que, depuis, les plus grands artistes de l’Europe sur les plus nobles scènes du monde.

Madame Duvernet avait une nièce nommée Brigitte, aimable, bonne et spirituelle enfant avec laquelle je fus bientôt intimement liée. Avec le plus jeune fils de la maison, Charles (mon vieux ami d’aujourd’hui) et deux ou trois autres personnages de la même gravité (je crois que le doyen de tous n’avait pas quinze ans), nous passions dans des jeux absorbans ces heureuses journées qui précédaient la comédie. Comme tout nous était spectacle, même les fêtes religieuses du matin, nous représentions alternativement la messe et la comédie, la procession et le mélodrame. Nous nous affublions des chiffons de la mère, qu’on mettait au pillage ;