Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/309

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m’en lassai en un jour. « C’est fort bête, tout cela, me dis-je, voyons clair sur les autres et sur moi-même, et concluons. On ne prépare pas mon départ, on n’a pas envie de me rendre à ma mère. On veut m’éprouver, on croit que je demanderai à rester ici. On ne sait pas combien je désire vivre avec elle, et il faut qu’on le voie. Restons impassible. Que ma claustration dure huit jours, quinze jours, un mois, peu importe. Quand on se sera bien assuré que je ne change pas d’idée, on me fera partir, et alors je m’expliquerai avec ma bonne maman ; je lui dirai que je l’aime, et je le lui dirai si bien qu’elle me pardonnera et me rendra son amitié. Pourquoi faut-il qu’elle me maudisse parce que je lui préfère celle qui m’a mise au monde et que Dieu lui-même me commande de préférer à tout ? Pourquoi croirait-elle que je suis ingrate parce que je ne veux pas être élevée à sa manière et vivre de sa vie ? À quoi lui suis-je utile ici ? Je la vois de moins en moins. La société de ses femmes lui semble plus nécessaire ou plus agréable que la mienne, puisque c’est avec elles qu’elle passe le plus de temps. Si elle me garde ici, ce n’est pas pour elle certainement, c’est pour moi. Eh bien ! ne suis-je pas un être libre, libre de choisir la vie et l’avenir qui lui conviennent ? Allons, il n’y a rien de tragique à ce qui m’arrive. Ma grand’mère a voulu, par pure bonté, me rendre instruite et riche : moi je