Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/336

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permis de prendre un petit coin dans les massifs et de le cultiver à sa guise. Cet amusement n’étant recherché que des toutes petites, il me sembla que la terre et le travail ne me manqueraient pas.

On commença une partie de barres et on me mit dans un camp. Je ne connaissais pas les règles du jeu, mais je savais bien courir. Ma grand’mère vint se promener avec la supérieure et l’économe, et elle parut prendre plaisir à me voir déjà si dégourdie et si à l’aise. Puis elle se disposa à partir et m’emmena dans le cloître pour me dire adieu. Le moment lui paraissait solennel, et l’excellente femme fondit en larmes en m’embrassant. Je fus un peu émue, mais je pensai qu’il était de mon devoir de faire contre fortune bon cœur, et je ne pleurai pas. Alors ma grand’mère, me regardant en face, me repoussa en s’écriant : « Ah ! insensible cœur, vous me quittez sans aucun regret, je le vois bien ! » Et elle sortit, la figure cachée dans ses mains.

Je restai stupéfaite. Il me semblait que j’avais bien agi en ne lui montrant aucune faiblesse, et, selon moi, mon courage et ma résignation eussent dû lui être agréables. Je me retournai et vis près de moi l’économe ; c’était la mère Alippe, une petite vieille toute ronde et toute bonne, un excellent cœur de femme. « Eh bien, me dit-elle avec son accent anglais,