Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/366

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de gauche, on laissait défiler le troupeau, et on était libre.

Je me trouvai donc dans les ténèbres avec mon amie G*** et les autres diables qu’elle m’avait annoncées. Je ne me rappelle de celles qui furent des nôtres ce soir-là que Sophie et Isabelle, c’étaient les plus grandes de la petite classe. Elles avaient deux ou trois ans de plus que moi, c’étaient deux charmantes filles. Isabelle, blonde, grande, fraîche, plus agréable que jolie, du caractère le plus enjoué, railleuse quoique bonne, remarquable et remarquée surtout pour le talent, la facilité et l’abondance de son crayon. Elle était assurément douée d’un certain génie pour le dessin. J’ignore ce qu’est devenu ce don naturel ; mais il eût pu lui faire un nom et une fortune s’il eût été développé. Elle avait ce que n’avait aucune de nous, ce que n’ont pas ordinairement les femmes, ce qu’on ne nous enseignait pas du tout, quoique nous eussions un maître de dessin : elle savait véritablement dessiner. Elle pouvait composer heureusement un sujet compliqué, elle créait en un clin d’œil, et sans paraître y songer, des masses de personnages tous vrais de mouvement, tous comiques avec une certaine grâce, tous groupés avec une sorte de mæstria. Elle ne manquait pas d’esprit, mais le dessin, la caricature, la composition folle, servaient principalement de manifestation à cet esprit à la fois méditatif et spontané, roma