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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/389

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elle et devant madame la supérieure elle-même la vérité de mes assertions, et que, puisqu’il n’y avait pas de franchise et de loyauté dans les relations auxquelles je m’étais confiée, je demanderais à changer de couvent.

La supérieure n’était pas une méchante femme ; mais, quoi qu’on en pensât, je n’ai jamais senti qu’elle fût une très bonne femme. Elle m’ordonna de sortir de sa présence en m’accablant de menaces et d’injures. C’était une personne du grand monde, et elle savait au besoin prendre des manières royales : mais elle avait fort mauvais ton quand elle était en colère. Peut-être ne savait-elle pas bien la valeur de ses expressions en français, et je ne savais pas encore assez d’anglais pour qu’elle me parlât dans sa langue. Mlle D… avait la tête baissée, l’œil fermé dans l’attitude extatique d’une sainte qui entendait la voix de Dieu même. Elle se donnait des airs de pitié pour moi et de silence miséricordieux. Une heure après, au réfectoire, la supérieure entra suivie de quelques nonnes qui lui faisaient cortége. Elle parcourut les tables comme pour faire une inspection ; puis, s’arrêtant devant moi, et roulant ses gros yeux noirs, qui étaient fort beaux, elle me dit d’une voix solennelle : « Étudiez la vérité ! » — Les sages pâlirent et firent le signe de la croix. Les bêtes chuchotèrent en me regardant. On vint ensuite m’accabler de