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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/423

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pansion qu’on a avec eux, aussi les pensionnaires avaient-elles peu de respect pour cette bonne petite nonne. Les Anglaises surtout regardaient comme un travers le laisser aller affectueux de ses manières. Il n’y a pas à dire, au couvent comme ailleurs, j’ai toujours trouvé cette race hautaine et guindée à la surface. Le caractère des Anglaises est plus bouillant que le nôtre. Leurs instincts ont plus d’animalité dans tous les genres. Elles sont moins maîtresses que nous de leurs sentimens et de leurs passions. Mais elles sont plus maîtresses de leurs mouvemens, et dès l’enfance il semble qu’elles s’étudient à les cacher et à se composer une habitude de maintien impassible. On dirait qu’elles viennent au monde dans la toile goudronnée dont on faisait ces fameux collets montés devenus synonymes d’orgueil et de pruderie.

Pour en revenir à la sœur Anna-Joseph, je l’aimais comme elle était, et quand elle venait à moi les bras ouverts et l’œil humide (elle avait toujours l’air d’un enfant qui vient d’être grondé et qui demande protection ou consolation au premier venu), je ne songeais point à épiloguer sur la banalité de ses caresses : je les lui rendais avec la sincérité d’une sympathie toute d’instinct, car, d’affection raisonnée, il n’y avait pas moyen d’y songer avec elle. Elle ne savait pas dire deux mots de suite, parce qu’elle ne pouvait pas assembler deux idées. Était-ce bêtise, timidité, légèreté d’esprit ? Je croirais plutôt que c’était