Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/425

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beaucoup, ou la raillaient un peu vivement pour ses étourderies. Elle se plaignait d’avoir des rats dans sa cellule. On lui répondait que s’il y en avait, ils étaient sortis de sa cervelle. Désespérée quand elle avait fait une sottise, elle pleurait, perdait la tête et devenait complétement incapable de la retrouver.

Quel nom donner à ces organisations affectueuses, inoffensives, pleines de bon vouloir, mais, par le fait, inhabiles et impuissantes ? Il y en a beaucoup, de ces natures-là, qui ne savent et ne peuvent rien faire, et qui, livrées à elles-mêmes, ne trouveraient pas dans la société une fonction applicable à leur individualité. On les appelle brutalement idiotes et imbéciles. Moi, j’aimerais mieux ce préjugé de certains peuples qui réputent sacrées les personnes ainsi faites. Dieu agit en elles mystérieusement, et il faut respecter Dieu dans l’être qu’il semble vouloir écraser de trop de pensées, ou embarrasser en lui ôtant le fil conducteur du labyrinthe intellectuel.

N’aurons-nous pas un jour une société assez riche et assez chrétienne pour qu’on ne dise plus aux inhabiles : « Tant pis pour toi, deviens ce que tu pourras ? » L’humanité ne comprendra-t-elle jamais que ceux qui ne sont capables que d’aimer sont bons à quelque chose, et que l’amour d’une bête est encore un trésor ?

Pauvre petite sœur Anna-Joseph, tu fis bien