Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/430

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au moins ? — Pas trop, répondis-je. Je ne sais pas encore ce que je suis et ce que je veux être. Je sens que je vous aime beaucoup, et je me figure que, de quelque façon que je tourne, vous serez forcée de m’aimer aussi. — Je vois que vous ne manquez pas d’amour-propre ? — Oh ! vous verrez que ce n’est pas cela ; mais j’ai besoin d’une mère. J’en ai deux en réalité qui m’aiment trop, que j’aime trop, et nous ne nous faisons que du mal les unes aux autres. Je ne peux guère vous expliquer cela, et pourtant vous le comprendriez, vous qui avez votre mère, dans le couvent ; mais soyez pour moi une mère à votre manière. Je crois que je m’en trouverai bien. C’est dans mon intérêt que je vous le demande, et je ne m’en fais point accroire. Allons, chère mère, dites oui, car je vous avertis que j’en ai déjà parlé à ma bonne maman et à madame la supérieure, et qu’elles vont vous le demander aussi.

Mme Alicia se résigna, et mes compagnes, tout étonnées de cette adoption, me disaient : « Tu n’es pas malheureuse, toi ! Tu es un diable incarné, tu ne fais que des sottises et des malices. Pourtant voilà Mme Eugénie qui te protége et Mme Alicia qui t’aime, tu es née coiffée. » — « Peut-être ! » disais-je avec la fatuité d’un mauvais sujet.

Mon affection pour cette admirable personne était pourtant plus sérieuse qu’on ne pensait et